Lettre ouverte à Valérie Glatigny pour une révision du protocole de rentrée dans l'enseignement supérieur

Madame la Ministre de l’enseignement supérieur,  

Ce 1er septembre, des milliers d’enfants et d’adolescents ont repris le chemin de l’école. Enfin ! Après quatre mois d’enseignement à distance ou “par intermittence”, après une partie d’année numérique qui a vu, pour une grande majorité, s’effilocher le lien avec l’école et s’accentuer les inégalités, ils retrouvent une personne vivante, un enseignant qui leur parle, des condisciples avec qui ils pourront échanger sur des savoirs et des savoir-faire. Tous autant que nous sommes, formateurs d’enseignants, futurs enseignants ou impliqués d’une manière ou d’une autre dans l’éducation, nous nous réjouissons de cette reprise, obtenue au nom du droit à l’instruction pour tous ! Nous sommes soulagés de lire et d’entendre que pour l’enseignement obligatoire, la priorité va à l’urgence éducative, fût-ce au prix du port généralisé du masque pour certains.  

Par contre, pour l’enseignement supérieur, nous regrettons que le protocole prévu par le fameux code jaune soit plus strict, même s’il se veut “souple” dans la manière dont les établissements peuvent l’appliquer. Certes, les établissements sont ouverts et les cours en présentiel restent possibles mais les conditions prévues nous posent question, en particulier celle de la distance d'un mètre à garantir entre les personnes, et ce malgré le port du masque.  

Nous pourrions argumenter sur la difficulté, voire l’impossibilité, de mettre en place cette mesure : rares sont les établissements des hautes écoles pédagogiques qui peuvent se permettre d’agrandir ou de multiplier les locaux prévus pour des groupes à taille humaine (30 étudiants) et, si l’enseignement hybride peut paraitre séduisant, il est difficilement organisable dans le contexte de la diversité des programmes des étudiants, que le décret “Paysage” a rendu particulièrement complexe à gérer. D’ailleurs, dans votre proposition de scénario hybride, nous comprenons mal que les étudiants de première ou de fin de cycle soient privilégiés alors que, dans les départements pédagogiques, les activités d’apprentissage relevant de la “deuxième” année de formation - qui n’existe plus depuis ledit décret - sont déterminantes dans l'outillage des enseignants novices et dans la construction de l’identité enseignante.  

Mais c’est surtout sur l’incohérence de ces mesures que nous souhaitons attirer votre attention, des incohérences qui sont particulièrement difficiles à accepter de la part de formateurs d’enseignants :

-  quelle injonction sanitaire justifie-t-elle une disparité de traitement entre des élèves de rhétos et de jeunes adultes étudiants ?

-  pourquoi des enseignants en fonction peuvent-ils croiser d'autres enseignants et des élèves assis côte à côte, tantôt sans masque (maternel et primaire), tantôt avec masque (secondaire) alors que les étudiants qui se destinent à l’enseignement ne peuvent, malgré le masque, assister à tous les cours en présentiel si la distance d’un mètre d’écart ne peut être respectée ? Le contexte sanitaire est physiquement le même. Un adulte dans l'enseignement obligatoire est-il moins vulnérable qu'un adulte dans l'enseignement supérieur ?

-  comment pouvons-nous, formateurs d’enseignants, convaincre nos futurs enseignants de l'importance du conflit socio-cognitif, du débat interprétatif, de la richesse des interactions et des manipulations si nous-mêmes sommes réduits à enseigner derrière un écran ?  

Une telle distinction entre l’enseignement obligatoire et l’enseignement visant une formation professionnelle nous semble inacceptable, en particulier lorsqu’il s’agit de former des enseignants censés lutter contre les inégalités scolaires qui ne cessent de se creuser. Ainsi que le rappelle, Madame la Ministre, votre collègue en charge de l’enseignement obligatoire :  « Nous avons pris des mesures pour lutter contre la pénurie, nous avons élargi l’accès aux fonctions de remédiation dans le cadre de la crise… mais la situation est ce qu’elle est, je ne pourrai pas créer des enseignants d’un coup de baguette magique. » (Caroline Désir, Le Soir, 29/08/2020). Le protocole de rentrée, tel que vous nous l’imposez, risque bien d'aggraver cette situation déjà critique de pénurie. Comme dans l’enseignement obligatoire, les cours à distance ont eu pour premières conséquences le décrochage d’un public fragile, que les cours en visioconférences et les échanges de mails ne suffisent pas à soutenir.  

Nous souhaitons que les spécificités de notre formation soient prises en considération : parmi celles-ci, la dimension humaine de la relation enseignant-apprenant, l’importance de faire vivre des dispositifs en plaçant les futurs enseignants dans des contextes didactiques semblables à ceux qu’ils rencontreront dans leur futur professionnel, etc. Autant de spécificités qui font des interactions bien plus qu’un canal de communication mais un outil d’enseignement indispensable.  

Aucun outil numérique, aussi performant soit-il, ne remplacera jamais l’émulation entre pairs et le soutien physique, bienveillant et passionné d’un enseignant accompagnateur. Nous avons besoin, aujourd'hui plus que jamais, que soient diplômés des enseignants conscients des enjeux de société de leur métier et outillés pour y répondre avec compétence et professionnalisme.  

C’est pourquoi, Madame la Ministre, nous vous demandons de revoir le protocole prévu pour l’enseignement supérieur, dont tout le monde ne mesure pas toujours l‘étendue de la diversité de ses formations, de ses structures et de son public. Nous réclamons un protocole identique au secondaire à savoir des conditions d’enseignement “normales”, avec masques et gestes barrières lorsqu’il est impossible de respecter les distances.

Nous vous remercions de l’attention que vous accorderez à ce courrier et nous vous prions de croire, Madame la Ministre, en l'expression de notre entier dévouement.            


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