Soutien à Ali - Lettre ouverte à mon ‘agent de protection’



Monsieur l’’agent de protection’,

NON, je ne suis pas un menteur.

Je m’appelle Ali Yakobi, je suis afghan, j’ai fui mon pays ravagé par la violence à l’âge de 11 ans. Après des années d’exil, j’ai demandé plusieurs fois l’asile à la Belgique. Vendredi dernier en rentrant de l’école, j’ai trouvé votre lettre que j’attends depuis près d’un an. A voir l’épaisseur de l’enveloppe, j’ai compris que les nouvelles n’étaient pas bonnes. En effet, au bout de sept pages, le verdict tombe, non « la Belgique ne vous accordera pas sa protection parce que vous êtes un menteur ».

Je suis arrivé en Belgique en 2009. Je vous ai alors demandé la protection et je vous ai raconté toute mon histoire pendant plus de 8 heures, nous nous sommes rencontrés à plus de 10 reprises. Vous m’avez posé mille questions et  je vous ai chaque fois répondu le mieux que je pouvais et en tout cas avec une honnêteté totale. Mais vos questions étaient souvent difficiles voire impossibles: Quelles sont les provinces voisines de votre province ? Quel est le chef-lieu de votre district ? Quel est le calendrier afghan ? A ces questions là, vous avez raison je n’ai pas su répondre et je crois qu’aucun berger analphabète ne pourrait répondre à ces questions. Voilà pourquoi vous doutez de mes paroles. Et pourtant je vous ai cité le nom des petits villages qu’il y avait autour de moi. Ces petits villages, qu’on trouve difficilement sur les cartes et qu’on ne peut connaître que si on y a vécu.

Peut-être ces questions correspondent-elles à la  procédure de demande d’asile mais on dirait qu’elles ont été pensées derrière un bureau et qu’elles s’adressent à des personnes qui ont la même éducation que vous. Mais moi qui ai vécu au milieu des moutons à plus de trois milles mètres d’altitude, qui n’ai jamais été un seul jour à l’école avant d’arriver en Belgique, j’étais incapable d’y répondre. Les notions de provinces, de chefs lieu sont des découpages qui ne signifient rien pour des populations rurales et je n’en avais jamais entendu parler. Mon audition s’est passée alors que je n’avais même pas 18 ans, sans avocat, avec un traducteur qui parlait le Dari, une des langues officielles d’Afghanistan. Moi je parle le hazaragi qui est un dialecte oral assez éloigné du Dari, que je ne parle pas très bien. C’est un peu comme si vous interrogiez une personne qui parle le  wallon avec un interprète qui parle le français. C’est sûr qu’il y aura des erreurs. C’est ainsi par exemple qu’il vous a été traduit que j’avais passé deux semaines à Kabul alors que je n’y ai jamais mis les pieds.

Mais rien n’y fait, vous n’en démordez pas, vous maintenez que je suis un menteur. En fait, je crois que vous n’avez pas envie d’entendre ma vraie histoire. La dernière fois vous m’avez même suggéré à plusieurs reprises d’en raconter une autre et qu’elle m’ouvrirait la voie à la protection que je demande. Vous avez même indiqué sur ma fiche d’audition que j’étais de nationalité pakistanaise. Et dire que je n’ai jamais mis les pieds au Pakistan !

NON, je ne suis pas un menteur

Depuis que je suis en Belgique j’ai appris à lire et à écrire le français, j’ai passé mon permis cyclomoteur et je suis en formation en alternance pour devenir maçon. Je vis depuis deux ans dans une famille belge avec qui je partage tout. Je suis comme un fils de la famille. Autour de moi j’ai raconté mon histoire des centaines de fois, à ma famille d’accueil d’abord, à mes voisins à Louvain-la-Neuve, à tous les professeurs que j’ai eu la chance d’avoir depuis que je suis en Belgique, dans des écoles où j’ai été témoigner, devant un auditoire de  l’UCL, et je vous assure, personne n’a jamais mis mon histoire en doute.

Il faut que vous sachiez, Monsieur l’’agent de protection’, et que tous mes amis sachent aussi que je ne suis pas un menteur, que je n’ai absolument rien à cacher mais qu’il est impossible de répondre à vos questions quand on a vécu complètement isolé dans les montagnes, qu’on n’a jamais appris à lire ni à écrire, qu’on n’a jamais entendu parler de géographie, d’histoire,
de politique…qu’on n’a même pas 18 ans et qu’on est seul sur les routes depuis des années et qu’on a passé sa vie à se cacher, à fuir les coups et la prison.

Par cette lettre, je veux témoigner que des personnes comme moi, particulièrement vulnérables parce que très jeunes, sans instruction et terrorisées par les années d’exil, fuyant des pays en guerre ou victimes de violences généralisées n’ont quasiment aucune chance à vos yeux d’obtenir enfin une protection dont elles auraient pourtant tellement besoin et surtout à laquelle elles auraient droit. Vous vous présentez comme un agent de « protection » mais de « protection », je n’en ai jamais vu la couleur.

La violence ne s’arrêtera-t-elle donc jamais ?

Alors, Monsieur l’ ‘agent de protection’, j’espère que vous voudrez bien entendre mon appel :

NON, je ne suis pas un menteur.

Ali Yakobi

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Avant de créer cette pétition, nous, la famille d'accueil d'Ali, avons déjà obtenu le soutien de plus de 300 personnes et associations dans notre entourage. Rejoignez nous et signez notre demande de soutien pour que Ali obtienne enfin la protection et puisse poursuivre sa vie en Belgique.