Aide juridique : soutenez les avocats


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2012-06-21 21:22

Salle 12 ? Non, Professeur Tournesol ! Salduz !

Voilà le dialogue de fous, ou plutôt de sourds, entre la Ministre de la Justice et, comme dans les grands matchs de foot, le reste du monde (judiciaire en l’occurrence).
La Professeur Tryphonne APPELBOOM n’a pas compris qu’il lui fallait les moyens de ses ambitions et, pour l’un, construire un labo dans les jardins de Moulinsart, pour l’autre financer dignement les coûts générés par le respect de la Loi européenne.
Sinon, il lui appartient, en toute évidence, de rendre son noir tablier de Ministre tandis qu’elle a réputation d’être une manager, plus qu’une ministre, une gestionnaire économique plutôt qu’une juriste.
Car quand on se pique de prêter serment devant le Roi, il faut savoir ce que l’on veut… La Belgique a adopté la Loi dite « Salduz », qui implique la présence d’un avocat dès l’arrestation, un appel téléphonique secret avec son conseil, un caucus confidentiel et la présence de son défenseur devant le Juge d’Instruction qui, homme le plus puissant du Royaume (dixit Napoléon), a l’immense pouvoir de vous mettre en état d’arrestation, il ne faut pas être grand clerc bac +7 pour imaginer que cela aurait un coût, mais aussi un prix et une valeur.
Annemie T., le nez dans sa calculette, dans sa campagne électorale comme d’autres dans le guidon, semble être la seule à ne l’avoir perçu.
Elle laisse les avocats, bien sûr tous gros bourgeois dorés sur tranche (air connu), allez les voir, se démener sans gagner un zloty, un kopeck ou un sesterce pour des démunis, des enfants maltraités ou des malades mentaux (j’en passe et des pires) dans tous les tribunaux du pays avec une rémunération qui se dégrade quand elle existe. Car elle n’existe pas du tout pour les juges suppléants, les tuteurs ad hoc qui représentent les mineurs en Justice, les Conseillers de l’Ordre ou de diverses commissions qui participent, ô combien, à la réalité et l’effectivité de la Justice.
On pleure de cette Justice qui se délite, de ces délais qui n’en finissent pas, de ces prisons qui dégueulent de détenus, de ces tribunaux en déshérence tandis qu’on trouve les moyens d’envoyer des F-16 dans le ciel lybien et des milliards pour les banquiers européens.
Et on va, nous dit-on, redessiner le paysage judiciaire ? Avec quel argent, quel impôt ? Personne n’en veut, personne ne le demande, à moins que Madame souhaite marquer son passage pour entrer dans les livres d’histoire, par la petite porte. Madame la Ministre redessine les arrondissements en étant nulle en géographie, en sociologie et en écolo-économie puisqu’elle réduit, par exemple, Charleroi, plus important arrondissement du Hainaut en une manière de sous-préfecture de Mons. Sans savoir, sans comprendre les implications de son projet sur les commissions de probation, de défense sociale, de SPJ et de SAJ, de bureau d’assistance judiciaire, …
En clair et en décodé, on met à mal, pire, on détruit un arrondissement judiciaire en lui laissant sa dépouille mais en le vidant de son sang, sa chair et son esprit. Car on commence par prendre un doigt, puis ma main, le bras avant d’attaquer la gorge… Et il se murmure que des considérations communautaires (le mot poli et sexy pour éviter le terme de « séparatisme ») ne serait pas étrangères à cette posture visant à « défédéraliser » l’aide légale, voire la Justice. Voire… S’il ne fallait croire que les plaies qu’on a touchées…
Il faudrait demander à ceux qui on les mains dans le cambouis, dans le sang, dans le cœur et les entrailles de ceux qui vivent la Justice, comme acteur, auteur, victime ou témoin leur avis avant de rabattre les cartes. Que celui qui n’est pas d’accord nous jette la première pierre.
Madame la Ministre veut redessiner le paysage judiciaire ?
Les projets actuels sont désastreux, en terme de pratique et d’esthétique et, quels que soient nos affinités, électives ou non, ils nous portent certainement plus vers Picasso que vers Manet ou Whistler, Madame le Ministre.
Le surréalisme judiciaire est atteint mais le dadaïsme n’est pas tenable.
Pensez-y avant de finir, dans le meilleur des cas, dans cet horrible musée des damnés, de ceux qui n’ont pas compris, pas réagit, pas agit et qui, à juste titre, n’auront pas été compris. Car ils le méritaient…
L’intelligence n’est pas une calculatrice.
Le cœur non plus.
La Justice, vertu et institution, conjugue les deux.
Il ne faut pas l’oublier, Madame le Ministre de la Justice, au risque de perdre la guerre et, en plus, l’honneur.

Philippe BALLEUX, avocat aux Barreaux de CHARLEROI et de DINANT